« La rivière ondule tel un ruban de soie vert tandis que les montagnes se dressent telles des épingles à cheveux en jade » (江作青罗带, 山如碧玉簪) : c’est ainsi que le célèbre poète Hán Yù (韩愈) de la dynastie Tang aurait décrit le paysage enchanteur de Yangshuo. 1 200 ans plus tard, ce décor unique a toujours autant de succès : en 1999, il était choisi pour figurer au dos du billet de 20 yuans, aux côtés du lac de l’Ouest à Hangzhou (billet de 1 yuan), du mont Taishan dans le Shandong (5 yuans), des Trois Gorges (10 yuans), du Potala à Lhassa (50 yuans) et du Grand Palais du Peuple à Pékin sur le billet rose (100 yuans). Si ces milliers de pics de karst (formation de calcaire, dolomie, et de gypse) formés il y a 500 millions d’années sont immuables, cette région de la province du Guangxi a énormément évolué ces dernières décennies sous l’impulsion du tourisme.
Dans les années 80, les groupes de visiteurs chinois se bornaient à la ville de Guilin, ignorant le fameux dicton : « les paysages de Guilin sont les plus beaux du monde, et ceux de Yangshuo sont les plus beaux de Guilin » (桂林山水甲天下,陽朔山水甲桂林). Peu à peu, Yangshuo suscita l’intérêt de quelques “backpackers” étrangers en tant qu’étape du circuit sud-asiatique « banana pancake ». C’est ainsi que le village devint un petit paradis sur terre pour les voyageurs à la recherche de dépaysement, mais aussi pour les mordus d’escalade en quête de voies inexplorées. Dans la deuxième édition du guide « Lonely Planet » publiée en 1988 figuraient déjà quelques auberges et cafés aux menus traduits en anglais. Après le SRAS en 2003, quelques bars servant de la Liquan – la bière locale depuis 1987 – ouvraient leurs portes rue de l’Ouest. Durant la décennie qui suivit, Yangshuo s’évertua à développer un tourisme, domestique cette fois.


Aux alentours de la ville, les développeurs immobiliers ont également flairé la bonne affaire et bâtissent chacun leur complexe. Au bord des routes, les paysans tentent eux aussi de tirer profit de cet afflux touristique en ouvrant des restaurants en plein air dans un esprit guinguette. Le bambou des radeaux qui descendent la rivière Li est peu à peu remplacé par du PVC, tandis que la pêche aux cormorans n’est plus qu’un folklore bon à distraire les touristes – il ne reste d’ailleurs plus qu’une poignée de pêcheurs, tous octogénaires…


Alors, Yangshuo est-il vraiment un paradis perdu ? Il est évident que l’ancien village de pêcheurs a été victime de sa popularité : les voyageurs étrangers, qui se lamentent de ne plus retrouver le Yangshuo de leurs souvenirs, ne sont qu’une goutte d’eau face aux torrents de touristes chinois qui se déversent sur la ville. Pourtant, l’authenticité n’a pas complètement disparu dans la région : quelques villages voisins conservent encore leur charme d’antan, comme celui de Fuli (8 km à l’est, célèbre pour son marché et ses éventails), de Jiuxian (10 km à l’ouest, encore préservé), de Xingping (26km au nord, surnommé le « nouveau Yangshuo ») ou le pittoresque Huangyao (150 km plus au sud, où a été tourné le film américain « Le Voile des Illusions« ). Autant d’options pour les nostalgiques !
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