2018 a apporté au Président Xi Jinping une série de succès indéniables : l’arrêt de la fuite des capitaux, un début de réforme financière, la baisse des industries du charbon, l’avancée des énergies renouvelables et de l’automobile électrique, secteurs où la Chine s’impose en n°1 mondial. Par ses investissements sociaux, Xi espère aussi éradiquer la pauvreté d’ici 2020, et la stabilité a été maintenue sans attentat notable. Mais ces avancées se sont payées par un renforcement sans précédent de l’autoritarisme. Beaucoup de banlieues ont été rasées, délogeant leurs habitants migrants. Un million de Ouighours ont été mis en camps en un projet, dénoncé en Occident, de contenir le séparatisme. Des millions d’emplois ont disparu dans le secteur privé, discriminé par les banques sous prétexte de lutte pour l’environnement ou contre les surcapacités. Tout ceci a affaibli l’adhésion de la rue à l’action du pouvoir. Hier soutenue en haut lieu, une tendance néo-gauchiste a été démantelée pour avoir critiqué le Parti. Dès mars, le malaise était sensible au faîte de l’appareil, suite au 3ème Plenum en février, avant la session de l’Assemblée Nationale Populaire et non en octobre comme d’ordinaire : il préparait le vote d’un amendement à la Constitution pour supprimer la limite au mandat présidentiel.
A l’international aussi, l’image de la nation a été écornée à l’étranger par des choix stratégiques des années précédentes. L’occupation et la militarisation d’atolls en mer de Chine du Sud a poussé l’Asie du Sud-Est a accélérer son réarmement, sans aucun profit visible à la Chine pour l’instant. Depuis lors, des pays de la zone renforcent leurs alliances, tel le Vietnam avec Japon, Inde et Indonésie. Aussi, le plan « Made in China 2025 » inquiète : Union Européenne, Japon et USA érigent leurs murs réglementaires contre les rachats chinois de groupes leaders en semi-conducteurs, nanotechnologie et autre technologies de pointe. Ce plan a aussi déclenché le bras de fer commercial avec les USA, conflit qui, s’il se prolongeait en 2019, détruirait 2 à 3 millions d’emplois selon un bureau d’analyse macroéconomique.
On voit donc une Chine à la croisée des chemins. Elle tente déjà de rassurer son secteur privé qu’elle ne souhaite pas (ou plus) son passage sous domaine public. Liu He le négociateur chinois promet à ses homologues R. Lighthizer et S. Mnuchin 1200 milliards de $ d’importations sous 5 ans, et une taxation de l’auto américaine lissée de 40% à 15%. Surtout Liu propose d’affiner le « Made in China 2025 », dans un style plus acceptable et équitable. Le 6 décembre, un « groupe national directeur restreint des sciences, technologies et de l’éducation » siégeait pour préparer les indispensables concessions. C’est pour le Parti l’heure d’un choix fondamental : face au monde, comme face au pays, veut-il dominer ou bien partager ?
A ce sujet, circule une rumeur encourageante. Ces 18-22 décembre marquent le 40ème anniversaire du 3ème Plenum du 11ème Congrès de 1978, celui qui avait lancé la Chine dans la politique de réforme et d’ouverture. Or, Xi Jinping aurait choisi ce moment chargé de symboles, pour tenir la Conférence annuelle centrale économique, et s’apprêterait à y faire des annonces historiques sur le rapport entre Parti, nation et monde. Dans la presse, ces mystérieuses propositions sont déjà prédites comme un nouveau départ, capables de refonder le régime tout en offrant un décisif ballon d’oxygène de relance. Ceci dit, il serait imprudent de s’enthousiasmer d’avance : de tels bruits circulaient déjà mi-novembre, et ont fait long feu. Mais aujourd’hui sous de multiples blocages, la Chine est dos au mur : ceci conforte l’impression d’une fenêtre de tir, en cet anniversaire critique de la réforme, « quarantième rugissant ». Tel le cap de Bonne-Espérance aux marins, il promet tempêtes, creux et vagues, mais aussi la relance d’une économie en danger de panne, faute de vent—de soutien de l’opinion.