LE VENT DE LA CHINE

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Tsunami boursier

Depuis juin, 42% de valorisation, 4000 milliards de dollars se sont volatilisés en bourse chinoise, dont 8,5% le 24 septembre (quand les instances cessèrent de soutenir les places de Shanghai et Shenzhen), et 7,6% le lendemain. 

Le crash qui était différé depuis 7 semaines, intervint quand le Comité Permanent (ou le Bureau Politique) vota d’arrêter les frais – décision douloureuse mais inéluctable. Qu’on imagine un barrage hydraulique, menacé par un réservoir 5 fois trop lourd, et qui commence à céder. Depuis le 9 juin, la Banque Centrale « bétonnait » l’ouvrage, au coût de 10 milliards de $ par jour – 400 milliards avaient été injectés, sans parvenir à changer en quoique ce soit la méfiance et la volonté unanimes des dizaines de millions de porteurs petits et grands, de vendre dès qu’ils le pourraient. C’était donc, de la part de la CSRC, tutelle de la bourse, un énorme investissement failli et un pari perdu, ayant entraîné en 50 jours la disparition de 12 mois de profits boursiers. 

De son côté, l’économie chinoise donne des signes de panne sans équivoque avec ses exportations de juillet en baisse de 8,3%, et un indice PPI des prix à la production à -5,4%, le plus faible en 6 ans. Clairement, la marée basse est là pour durer – la croissance à deux chiffres appartient définitivement au passé. 

Par quel chemin en est-on arrivé là ? Plusieurs explications sont avancées : 

– la promesse en 2012 du tandem Li Keqiang -Xi Jinping n’a pas été tenue, d’une redistribution de la richesse publique vers les PME et d’une relance de la consommation des ménages. L’Etat a maintenu sa vieille recette de croissance du PIB par la dette publique et les grands chantiers. Il a encouragé les provinces et les consortia publics à s’endetter, puis à refinancer leurs dettes auprès de banques sans regard sur la qualité de leurs investissements. La dette publique atteint 282% du PIB, dont un tiers (20,8 trillions de $) généré depuis 2007. La dette des consortia représente à elle seule 125% du PIB – une des plus lourdes au monde. 

– à partir de 2014, pour alléger la charge de la dette locale (consortia et provinces), l’Etat a attiré les épargnants vers la bourse, par le biais d’une forte rémunération. L’avantage était d’éviter la planche à billets. Mais ce choix de refinancement des consortia par l’épargne était intenable, ces dinosaures socialistes non réformés dépensant sans produire. La bourse fonctionnait donc en trafic pyramidal, où la hausse du cours provient de l’apport constant d’épargne fraiche, sans génération de valeur ajoutée, et s’effondre dès que le crédit s’épuise. Ce fut donc le percement brutal d’une bulle boursière, au détriment des actionnaires. 

– une troisième explication est avancée par l’analyste Francesco Sisci qui voit dans le crash de juin la main de conglomérats publics. Sciemment organisé, ce crash aurait eu pour but d’avertir l’équipe dirigeante de renoncer à ses réformes qui lésaient leur monopole sur le crédit. Les arrestations (26 août) de Xu Gang, manager de CITIC Securities, et de Wang Xiaolu, journaliste financier, corroborent la théorie du complot. Xu, pour avoir fait évader des fonds hors du pays, et Wang, pour avoir semé la panique en suggérant dans la revue Caijing, le possible retrait du soutien de la CSRC à la bourse. 

Aujourd’hui, de façon prévisible, le 1er ministre Li Keqiang monte au créneau pour affirmer qu’ « aucun élément désormais n’est là pour justifier une baisse supplémentaire ».

La défense s’organise : 66 banques clandestines sont fermées et à Macao, 5 réseaux de transfert de yuan par carte de crédit sont démantelés.

Le 25 août, au soir de la seconde journée « noire », la Banque Centrale baisse de 0,5% les réserves bancaires obligatoires et réduit de 25 points les taux d’intérêt (dépôt et prêt), libérant 106 milliards de $ de crédit frais.
De même, les banques publiques semblent avoir été « priées » de refinancer la bourse : ICBC et Banque de Chine par exemple, auraient placé d’importants ordres d’achats en actions « blue chips » (valeurs sûres). Et un premier résultat positif apparaissait à ces efforts : l’index de Shanghai remontait de 5,3% le 27 août.

En même temps, contredisant la décision au sommet du week-end précédent, un sauvetage de la bourse semblait se dessiner, avec le principe d’autoriser le placement de jusqu’à 30% du fonds de la Sécurité sociale nationale, soit 164 milliards de $.
On remarque dans cette tempête et ce tumulte, la fragilité des résultats acquis, et le risque pris par les dernières mesures. Réduire les réserves des banques peut apparaître aventureux, à une époque où fleurissent faillites et mauvais prêts bancaires non remboursables. De même, écorner le fonds de la Sécurité sociale pour renflouer la bourse, pourrait revenir au pire, à priver les retraités une seconde fois de leur pension (la première étant le double crash boursier). 

Mais l’Etat n’avait pas le choix : dans l’urgence, il fallait une bourse en hausse, à la veille de la grande parade de commémoration de la seconde guerre mondiale, le 3 septembre. C’est chose faite !

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