Pour le remake du dessin animé Mulan sorti en 1998, les studios Disney n’ont reculé devant rien pour s’assurer d’une première réussie dans l’Empire du Milieu. Avec un budget record de 200 millions de $ pour une adaptation en « live action », la production a opté pour un casting 100% asiatique avec des stars comme Liu Yifei, Gong Li, Jet Li et Donnie Yen. L’équipe a également passé de longues heures à étudier le poème relatant l’histoire de la jeune Hua Mulan (花木兰), se déguisant en homme pour remplacer son père âgé dans l’armée impériale. Afin d’éviter tout anachronisme, la réalisatrice a fait appel à plusieurs historiens et à un expert en stratégie militaire sous la dynastie Tang. Disney a même choisi de soumettre son scénario aux autorités chinoises de manière à s’assurer que le long-métrage passe la censure. Le coronavirus, les mauvaises critiques et les appels au boycott sont venus contrecarrer tous ces efforts…
La polémique autour du film ne s’arrête pas là : dans le générique, la production remercie huit départements gouvernementaux du Xinjiang pour avoir été autorisée à tourner dans le désert à partir d’août 2018 – période où la campagne d’internement des Ouïghours battait son plein dans la région. Parmi elles, le comité de la propagande et le bureau de la sécurité publique de Turpan, qui a fait l’objet de sanctions de la part de l’administration américaine. Espérant peut-être que ce tournage passe inaperçu, le Xinjiang est présenté dans le film comme « le nord-ouest » de la Chine. Raté ! La nouvelle a fait l’effet d’une bombe et les appels au boycott ont redoublé d’intensité… Dans ces conditions, difficile d’imaginer que Mulan sera un succès au box-office. Les médias d’Etat chinois auraient d’ailleurs eu consigne de ne pas couvrir la sortie du film suite à la controverse…
On peut bien sûr s’interroger sur les motifs qui ont poussé les studios Disney à réadapter la légende de Mulan dans un contexte de tensions grandissantes entre Pékin et Washington, ou à choisir le Xinjiang comme lieu de tournage. Car au final, Disney perd sur les deux tableaux : il fait les frais de sa complaisance envers les autorités chinoises en Occident, mais ne remporte pour autant pas les cœurs en Chine. D’une certaine manière, les studios Disney, mais aussi toutes les productions hollywoodiennes, se retrouvent dos au mur : le box-office chinois étant amené à dépasser celui américain cette année – les cinémas à travers les Etats-Unis étant toujours fermés à cause du Covid-19 – les studios américains risquent de devenir encore plus dépendants du marché chinois à l’avenir. C’est encore plus vrai pour Disney qui a ouvert un gigantesque parc d’attractions à Shanghai en 2016, mais aussi pour Universal Studios qui s’apprête à inaugurer le sien à Pékin en mai 2021… Au final, à défaut de remporter le prix du jury, Mulan remporte haut la main la Palme d’or de la controverse.