C’est officiel : la Chine a mis en service son troisième porte-avions lors d’une cérémonie présidée par Xi Jinping le 5 novembre sur une base de l’île de Hainan. L’événement marque une étape importante dans la modernisation rapide de la marine chinoise et illustre l’ambition de Pékin de rivaliser, à terme, avec la puissance navale américaine.
Baptisé comme ses prédécesseurs du nom d’une province chinoise, ce 3ème porte-avion (航空母舰 ; háng kōng mǔ jiàn) porte le nom du Fujian, province qui fait face à Taïwan. Une appellation éminemment symbolique qui peut résonner comme un avertissement aux partisans de l’indépendance taïwanaise…
Le Fujian représente surtout un saut technologique notable par rapport aux deux précédents bâtiments, le Liaoning et le Shandong, dont les conceptions restaient en partie héritées de modèles soviétiques. En effet, c’est le premier porte-avions construit par le pays à être équipé de catapultes électromagnétiques (EMALS), un système qui permet de lancer davantage d’appareils, plus rapidement et avec une charge utile supérieure à celle des catapultes à vapeur (CATOBAR). Cette technologie devrait permettre au navire de 80 000 tonnes d’opérer non seulement des J-15 optimisés pour ces catapultes, mais aussi des appareils plus lourds et plus avancés, dont le J-35 furtif et les avions d’alerte avancée KJ-600.
Les médias d’État répètent à envie que Xi Jinping a personnellement validé l’intégration de cette technologie, malgré son coût élevé et les risques techniques qu’elle impliquait lors du développement. Ce rôle personnel, mis en avant par la propagande, vise à souligner la détermination du dirigeant chinois à doter le pays de capacités militaires comparables à celles des armées les plus avancées au monde.
Pourtant, la mise en service du Fujian n’a pas été un long fleuve tranquille. Après son lancement en 2022, il lui a fallu plus de deux ans d’essais, dont plus de 100 jours en mer, pour tester sa propulsion conventionnelle, ses systèmes électriques et surtout ses catapultes, pièces maîtresses du projet. Ces essais prolongés ont nourri les interrogations sur d’éventuels retards et sur la complexité des défis techniques à surmonter. Pékin les présente au contraire comme le signe d’un souci de fiabilité et de sécurité avant sa mise en service officielle.
Sur le plan stratégique, l’entrée en service d’un troisième porte-avions permet désormais à la Chine d’envisager une présence quasi permanente en mer, grâce à une rotation entre ses trois batîments — l’un en déploiement actif, l’autre en préparation, le troisième en maintenance.
Cette montée en puissance s’inscrit dans une trajectoire à long terme : selon plusieurs experts, Pékin ambitionne de disposer d’ici 2035 d’une flotte de six porte-avions, lui permettant d’assurer simultanément une présence dans le Pacifique occidental, dans l’océan Indien et dans d’autres zones jugées prioritaires pour ses intérêts. Un quatrième bâtiment serait déjà en construction dans un chantier naval de Dalian, probablement à propulsion nucléaire cette fois, ce qui offrirait une plus grande autonomie en limitant les ravitaillements.
Malgré tout, des défis persistent. La marine chinoise est loin de compenser l’écart avec les États-Unis en termes d’expérience opérationnelle : les Américains disposent d’une flotte d’une dizaine de porte-avions nucléaires, rodés à des opérations lointaines et ce, depuis des décennies. La Chine, quant à elle, doit encore former ses équipages et assurer la fiabilité de ses systèmes à long terme.
Mais si le plus grand défi de l’APL ne résidait pas dans le nombre de ses bâtiments, mais dans la qualité de ses commandants ? Selon Xi Jinping, construire une armée réellement prête au combat exige d’éradiquer la corruption et de renforcer la discipline au sommet. Or, l’absence remarquée à la cérémonie du Fujian, de plusieurs responsables du commandement du théâtre sud et surtout de l’amiral Hu Zhongming, commandant de la marine chinoise, laisse entrevoir que les purges continuent… À ce rythme, la Chine pourrait bien se doter d’une flotte de premier rang, sans être certaine de pouvoir la commander correctement.