LE VENT DE LA CHINE

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Laopu, l’or (chinois) n’a jamais autant brillé

Dans une Chine où les grandes marques occidentales peinent, Laopu Gold s’impose comme le nouveau luxe « made in China ».
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Dans une Chine où les boutiques des grandes maisons européennes peinent à attirer les clients, une enseigne locale ne désemplit pas : Laopu Gold (老铺黄金), littéralement « la boutique ancienne d’or ».

Fondée à Pékin en 2009, cette maison d’orfèvrerie incarne la nouvelle vague du luxe « made in China ». Chaque bijou, façonné en or 24 carats, puise dans l’imaginaire chinois — dragons, phénix, nuages ou gourdes porte-bonheur — et se vend à prix fixe, bien au-dessus du cours du métal. Une stratégie audacieuse, qui a bouleversé le marché.

Là où des acteurs historiques comme Chow Tai Fook ou Chow Sang Sang misent sur le volume et les villes secondaires, Laopu s’impose dans les grandes métropoles par la rareté et la charge émotionnelle. Dans ses boutiques à l’atmosphère feutrée, les clients patientent parfois des heures pour acquérir un bijou pouvant atteindre plus de 72 000 yuans (près de 10 000 euros).

La singularité de Laopu tient aussi à son savoir-faire : ses artisans travaillent selon des méthodes issues de l’orfèvrerie impériale. Le martelage manuel, la ciselure à froid, les soudures sans alliage et le polissage à la feuille de bambou sont autant de gestes hérités des ateliers de la cour des Ming et des Qing.

Porté par la flambée du cours de l’or et le mouvement « guochao », qui valorise la culture locale, Laopu Gold voit ses ventes s’envoler. En un an, son chiffre d’affaires a triplé pour atteindre près de dix milliards de yuans. Car si l’or attire, c’est aussi qu’il rassure. Dans un climat économique incertain, les Chinois se tournent massivement vers cette valeur refuge par excellence. Pour Laopu, ce contexte est providentiel : l’once d’or a dépassé cet été les 3 500 dollars, un record historique, et pourrait franchir les 4 000 dollars d’ici 2026, selon JP Morgan.

L’ampleur du succès de Laopu a pris de cours les maisons de luxe occidental. En septembre dernier, Bernard Arnault lui-même, patron du groupe LVMH, s’est rendu dans l’une des boutiques Laopu Gold à Shanghai, signe que même les géants du luxe européen observent de près ce concurrent inattendu que certains surnomment déjà « l’Hermès chinois ».

Une comparaison pourtant à relativiser. La marge brute de Laopu avoisine 41 % – loin des 70 % d’Hermès. Surtout, ses créations restent étroitement liées à la valeur du métal : pour beaucoup d’acheteurs, le bijou Laopu est à la fois parure et investissement (la valeur d’un bijou acheté il y a 3 ans a presque doublé). Depuis son introduction à la Bourse de Hong Kong en 2024, son titre a bondi de plus de 1 130 %. Son envol spectaculaire reste largement lié à la hausse du prix de l’or ; que se passera-t-il si celui-ci venait à baisser ?

Autre question : la marque saura-t-elle s’imposer au-delà du monde chinois ? Disposant déjà d’une quarantaine de boutiques en Chine continentale, à Hong Kong et à Macao, Laopu a amorcé son internationalisation avec l’ouverture d’une première boutique à Singapour en juin dernier. Le succès semble au rendez-vous. Mais cette forte identité chinoise saura-t-elle séduire des clients étrangers, pour qui l’or n’a ni la même symbolique, ni la même charge émotionnelle ? Il est probablement trop tôt pour le dire.

Néanmoins, la marque a connu un coup de projecteur inattendu lorsque la star (française) de la NBA, Victor Wembanyama, a acheté plusieurs pièces Laopu lors d’un voyage en Chine, puis a été photographié les portant lors d’apparitions publiques. En tant qu’ambassadeur de Louis Vuitton et icône montante de la mode, le soutien involontaire de Wembanyama a contribué à propulser la marque – et, plus largement, l’idée d’un luxe chinois – sur la scène internationale.

Car, au-delà de son succès commercial, Laopu Gold illustre surtout l’émergence d’un luxe chinois indépendant et culturellement affirmé, contrastant par exemple avec Shang Xia — maison de luxe fondée en 2010 par Hermès, mêlant mobilier, objets de maison, prêt-à-porter et accessoires inspirés de l’artisanat chinois traditionnel— qui n’a jamais trouvé son public en Chine.

La « success story » Laopu montre que le luxe chinois peut se définir selon ses propres valeurs et son héritage, et s’installer durablement dans le cœur des consommateurs, en particulier d’une jeune génération à la recherche de marques reflétant davantage son identité que des logos importés. La réussite de Laopu n’est donc pas un hasard, mais le signe d’un tournant : la Chine n’est plus seulement consommatrice de luxe occidental, elle construit désormais son propre modèle, ancré dans sa culture et son savoir-faire, capable de séduire et d’inspirer sur la scène internationale.

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