Avant sa tenue à l’hôtel Jingxi du 20 au 23 octobre, le 4ème plénum du 20ᵉ Comité central du Parti communiste chinois avait nourri toutes sortes de rumeurs : démission de Xi Jinping pour raisons de santé, remaniement du Politburo au profit d’anciens dirigeants évincés, voire désignation d’un héritier. Mais, une fois encore, les espoirs de ceux qui prédisent la chute du secrétaire général du Parti ont été déçus. Le leader chinois est apparu au contraire au faîte de son autorité : son aura dans la presse officielle demeure intacte, et son statut de « noyau » du Parti, réaffirmé.
L’absentéisme record de ce plénum — seuls 315 membres titulaires et suppléants du Comité central sur 376 ont assisté à la réunion — ne vient pas contredire cette image de puissance. Bien au contraire. La purge qui a décimé le haut commandement de l’Armée populaire de libération (APL), emportant jusqu’à l’un des 24 membres en exercice du Politburo, le général He Weidong (remplacé à la Commission militaire centrale par Zhang Shengmin, chef de l’inspection disciplinaire militaire), illustre un Xi Jinping intraitable, y compris envers ceux qu’il avait lui-même promus. Rien ne doit entraver les objectifs qu’il s’est fixés — notamment celui de disposer, à l’horizon 2027, d’une armée capable de mener une opération sur Taïwan, année qui coïncidera avec le centenaire de l’APL.
L’empreinte de Xi Jinping s’est également fait sentir dans la préparation du 15ᵉ plan quinquennal (2026-2030), au cœur des discussions de ce plénum.
Le communiqué final, long de 5 000 mots, reflète le ton combatif d’un régime conscient des difficultés auxquelles il fait face, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur : croissance en berne, chômage des jeunes à des niveaux record, crise immobilière prolongée, consommation intérieure atone et tensions commerciales croissantes avec l’Occident. Le diagnostic est connu, mais désormais pleinement assumé.
Face à ces vents contraires, la stratégie arrêtée par Pékin est claire : consolider la puissance manufacturière du pays. Le communiqué appelle à la construction d’un « système industriel moderne », alliant technologies de pointe et industries traditionnelles modernisées. Pour le pouvoir, la montée en gamme de la production doit devenir le moteur central d’une économie plus robuste et moins vulnérable aux chocs extérieurs. À tel point que l’autosuffisance technologique, longtemps présentée comme le cœur de la stratégie nationale face aux sanctions américaines, passe désormais au second rang, derrière la consolidation du socle industriel. Cette montée en puissance doit aller de pair avec la création d’emplois à forte valeur ajoutée, censés tirer les revenus — et donc la consommation — vers le haut.
Revers de la médaille, cette stratégie engendre des guerres de prix féroces dans plusieurs secteurs, notamment celui des véhicules électriques. Pékin se dit conscient des dérives de cette surproduction, mais promet de « restaurer un niveau industriel approprié ».
Sur le front démographique, le Parti refuse de se résigner à la chute du taux de natalité. Il promet de poursuivre la construction d’une « société favorable aux naissances », grâce à un meilleur accès à la garde d’enfants et à l’éducation, tout en renforçant la prise en charge des personnes âgées — un tiers de la population aura plus de 60 ans d’ici à 2035. Le gouvernement confirme également son intention d’allonger progressivement l’âge de la retraite, une réforme plusieurs fois repoussée.
Le plénum a en outre confirmé le renforcement de la stratégie dite de « circulation duale », introduite dès le 14ème plan : soutenir en priorité le marché intérieur (« circulation interne ») tout en continuant à exploiter les échanges mondiaux (« circulation externe ») lorsque cela sert les intérêts du pays. L’objectif est de bâtir une « économie forteresse », moins dépendante des importations et plus résistante aux sanctions étrangères. Dans ce cadre, le Parti promet de « supprimer les obstacles à la construction d’un marché national unifié », encore fragmenté par des réglementations locales.
En définitive, cette réunion consacre sur le papier la vision ultime de Xi Jinping : celle d’un régime recentré sur ses propres ressources, misant sur sa capacité à dominer les industries du futur. Le pari est audacieux : transformer l’économie chinoise sans libéraliser le système politique, ni rompre avec la planification centralisée. Mais en plaçant l’industrie au cœur de sa stratégie, Pékin sait qu’il prend le risque d’attiser de nouvelles tensions commerciales avec les États-Unis et l’Union européenne. Le message du plénum est sans ambiguïté : la Chine se prépare à affronter « des vents violents et des vagues déchaînées » — et entend bien sortir gagnante de la tempête.