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La purge de He Weidong secoue le haut commandement militaire

Le général He Weidong et plusieurs hauts gradés de l’armée chinoise sont limogés, une purge qui pourrait redessiner l’équilibre militaire et la succession politique de Xi Jinping.
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Le couperet est tombé à quelques jours du début du 4ème Plénum du Comité Central du Parti. Le 17 octobre, le ministère chinois de la Défense a officiellement annoncé la mise sous enquête du général He Weidong, vice-président de la Commission militaire centrale (CMC) et n°2 de l’Armée populaire de libération (APL), pour « violations graves de la discipline et de la loi ». Le communiqué épingle également un autre vice-président de la CMC, l’amiral Miao Hua, ainsi que 7 autres hauts gradés de l’APL.

C’est la première fois depuis la chute des anciens vice-présidents de la CMC, Guo Boxiong et Xu Caihou, il y a plus de dix ans, qu’un officier de ce rang est publiquement accusé de crimes graves.

Fait notable, Pékin n’avait plus écarté un vice-président en exercice de la CMC depuis 1989, lorsque Zhao Ziyang fut démis de ses fonctions de secrétaire général du Parti et de premier vice-président de la CMC, accusé de mollesse face aux manifestations étudiantes de la place Tiananmen.

He Weidong — dont le prénom peut se traduire par « garder l’Est » (卫东), et qui a dirigé le Commandement du théâtre Est de l’armée chinoise, supervisant les forces stationnées au plus près de Taïwann’avait plus été vu en public depuis mars dernier.

Le général de 68 ans appartenait au fameux 31 groupe d’armée de Fujian, souvent surnommé « l’armée impériale de Xi » tant elle a fourni nombre d’officiers promus sous sa présidence. Sa carrière s’est accélérée après le XIXᵉ Congrès du Parti en 2017, grâce à la protection de Miao Hua, chef du département du travail politique de l’APL et autre compagnon de route de Xi Jinping à l’époque où il gouvernait la province de Fujian. Ce dernier avait su tisser un réseau solide au sein de l’APL – réseau dont a largement profité Xi dans son ascension au pouvoir.

Alors, comment interpréter la disgrâce quasi-simultanée de He et de Miao, qui constituaient le noyau dur du « gang de Taïwan » (台海帮), un groupe de généraux ultranationalistes qui militaient pour une ligne dure sur Taïwan ? De nombreux analystes sont prompts à l’assimiler à une perte de pouvoir de Xi. Néanmoins, ce développement nécessite une seconde lecture.

Une brève remontée dans le temps s’impose : octobre 2022, XXᵉ Congrès du Parti, le général Zhang Youxia conserve contre toute attente sa place au Politburo en tant que vice-président de la CMC, malgré son âge avancé (72 ans à l’époque). De quoi déplaire à Miao Hua, fidèle allié de Xi depuis Fujian, qui espérait obtenir un poste de vice-président de la CMC aux côtés de He Weidong.

Depuis lors, Miao aurait nourri une rancune tenace à l’encontre de Zhang. C’est dans ce contexte qu’aurait éclaté, en 2023, la vaste enquête anticorruption visant le département du développement de l’équipement et les forces de missiles stratégiques (PLARF). Une offensive qui aurait emporté le protégé de Zhang, l’ex-ministre de la Défense Li Shangfu. Mais c’était sans compter sur la riposte de Zhang, soutenue par les forces terrestres et d’autres départements stratégiques, qui a fini par neutraliser Miao Hua, He Weidong et d’autres membres du « gang de Taïwan ». Depuis cette passe d’armes, le Parti n’a pas encore annoncé de remplaçant, ni pour He, ni pour Miao, ni pour Li. Néanmoins, le Comité central pourrait annoncer la nomination de nouveaux membres de la CMC lors du 4ème Plénum.

Dans cette grille de lecture, Xi apparaît effectivement privé d’une partie de ses appuis au sein de l’APL et peut donner l’impression d’un isolement croissant au sein du haut commandement militaire.

Sauf qu’une autre hypothèse peut également être avancée : celle d’un Xi qui aurait lui-même ordonné cette purge, avec l’appui de Zhang Youxia, pour reprendre le contrôle d’une armée devenue trop autonome à son goût. Le « gang de Taïwan », en tentant d’imposer ses propres nominations et de précipiter la réunification avec Taïwan, aurait franchi une ligne rouge. Si tel est le cas, l’opération démontre que Xi conserve encore des leviers pour agir au sein de l’appareil militaire. Mais elle souligne aussi la fragilité de son autorité réelle, reposant uniquement désormais sur l’influence de Zhang Youxia.

Autrement dit, Xi est désormais entouré des proches de Zhang, qui contrôle à présent la nomination du prochain vice-président de la Commission militaire centrale (CMC), suite au limogeage de He Weidong.

Selon les rumeurs qui circulent — concernant notamment Wang Yang, Hu Chunhua ou Chen Jining — le siège vacant au sein de la CMC pourrait être la clé de la transition politique post-XXIᵉ Congrès.

Si ce poste revenait à un cadre civil du Parti, comme ce fut le cas autrefois pour Hu Jintao ou Xi Jinping lui-même, on pourrait en déduire que le successeur de Xi est déjà choisi. En revanche, si le siège est confié à un haut responsable militaire, tel Liu Zhenli, cela signifierait que la transition a bien été amorcée, mais repoussée à l’horizon 2027. Dans cette perspective, la destitution de He Weidong, annoncée trois jours avant le plénum du Parti, n’a rien d’un hasard : tout indique qu’une décision a déjà été prise concernant le futur vice-président de la CMC. Verdict dans quelques jours.

Par Alex Payette

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