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Avec son plan « AI+ », Pékin affiche ses ambitions technologiques

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Signe des temps : à seulement 34 jours d’intervalle, les deux plus grandes puissances mondiales ont publié leurs plans d’action pour l’intelligence artificielle. Fin juillet, l’administration Trump dévoilait l’« AI Action Plan » des États-Unis, suivi un mois plus tard, le 26 août, par le plan chinois « AI+ » (人工智能+), publié par le Conseil d’État.

Le ton général du document chinois est résolument optimiste. À l’exception d’une seule mention en toute fin sur les risques liés à l’IA, pratiquement toutes les autres sections appellent à son développement accru et à son adoption généralisée dans tous les pans de la société, reléguant au second plan les garde-fous, ainsi que les questions d’éthique et de destruction d’emplois.

L’état d’esprit qui domine est le suivant : « ne pas développer l’IA serait la menace la plus grave » (不发展才是最大的不安全), commentait en interview le 8 septembre Zhou Hui, expert en gouvernance de l’IA à l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS), qui a participé à la rédaction du document.

Concrètement, l’approche « accélérationniste » chinoise se concentre sur des expérimentations à grande échelle dans les applications industrielles et sociales, plutôt que sur des visions abstraites de « l’intelligence artificielle générale » (AGI), pourtant au cœur des débats internationaux à l’heure actuelle.

Cette vision s’inscrit dans une opposition plus large entre les approches chinoises et américaines : le pays le plus puissant est-il celui qui découvre en premier une « technologie de rupture » ou celui qui l’intègre le plus rapidement dans tous les domaines de son économie ? Le plan AI+ montre clairement que Pékin opte pour la deuxième voie.

Un sentiment d’urgence transparaît dans les objectifs énoncés : d’ici 2027, l’IA devra être intégrée dans les six grands piliers de la société – recherche, économie, consommation, éducation et santé, gouvernance et coopération internationale – avec un taux de pénétration supérieur à 70 %. En 2030, ce taux devra atteindre 90 %, l’IA devenant une véritable infrastructure nationale. À l’horizon 2035, l’objectif est de remodeler entièrement l’économie et la société pour entrer dans une nouvelle ère « intelligente ».

Il reste bien entendu difficile d’évaluer dans quelle mesure ces objectifs seront atteints. Néanmoins, ces chiffres devraient inciter les cadres de différents ministères, provinces et grandes villes technologiques à concevoir des programmes démontrant leur engagement envers cet ambitieux plan national.

De manière concrète, l’initiative « AI+ » veut d’abord équiper les chercheurs de modèles puissants et de bases de données partagées afin d’accélérer les découvertes, y compris en sciences humaines. Dans le domaine économique, elle entend moderniser l’industrie et l’agriculture, transformant à la fois les usines et les fermes en environnements intelligents. Du côté des ménages, il s’agit de stimuler la consommation intérieure grâce à la diffusion de produits connectés, qu’il s’agisse de voitures, de logements ou d’objets du quotidien.

L’IA doit également être mise au service des citoyens, en renforçant l’éducation, la santé ou encore les formes de travail collaboratif. Sur le plan politique, elle doit contribuer à rationaliser l’administration, bâtir des villes intelligentes et renforcer la cybersécurité. Si certaines villes chinoises testaient déjà des modèles de langage dès 2023, l’élan s’est accéléré début 2025 avec le lancement de DeepSeek. Faisant figure de pionnier, le district de Futian à Shenzhen a déployé en février des agents numériques capables de gérer des centaines de tâches, à peine un mois après la sortie du modèle R1 de DeepSeek.

Pékin insiste aussi sur la nécessité de consolider les bases technologiques, qu’il s’agisse de puissance de calcul, de qualité des données ou de formation de talents. La Chine entend également s’adresser au reste du monde : l’IA est présentée dans le plan comme un « bien public mondial », avec un accent sur l’open source, l’aide aux pays du Sud et une gouvernance internationale pilotée par l’ONU. Une approche qui contraste avec le plan américain, plus centré sur les intérêts nationaux.

Pour soutenir cette ambition, Pékin est prêt à mettre la main au portefeuille. L’État a engagé près de 100 milliards de $ pour lancer la machine. Alibaba investira 50 à 53 milliards dans le cloud et l’IA au cours des trois prochaines années. Le Big Fund III injectera 47,5 milliards pour soutenir la production de puces. Un fonds IA de 8,2 milliards a également été lancé en début d’année pour structurer l’écosystème.

Si l’IA est le cerveau, les semi-conducteurs en sont le carburant. Pékin veut tripler sa capacité de production dédiée d’ici 2026. Huawei et SMIC mettent déjà en place de nouvelles lignes de production capables de graver une puce en 7 nanomètres, malgré les sanctions occidentales.

Ainsi, en misant sur l’intégration plutôt que sur l’invention, et en y consacrant des moyens colossaux, la Chine espère faire émerger et imposer son modèle d’économie intelligente. Les enjeux sont de taille : si Pékin réussit son pari, ce plan « AI+ » a le potentiel de relancer son économie, de répondre à sa problématique de vieillissement démographique et d’offrir au monde une alternative crédible au modèle américain. Reste à voir si l’Union européenne, avec son plan pour l’intelligence artificielle en cours d’élaboration, saura définir une voie originale et compétitive face aux stratégies américaine et chinoise.

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