Surprise au cœur de l’été : Liu Jianchao, chef du Département international du Comité central du Parti, aurait été interpellé fin juillet pour interrogatoire, son domicile perquisitionné. L’homme de 61 ans, largement pressenti pour devenir le prochain ministre des Affaires étrangères, n’a pas été revu en public depuis. Si elle se confirme, l’arrestation de Liu représenterait l’enquête la plus importante concernant un haut diplomate chinois depuis l’éviction de Qin Gang en 2023, empêtré dans une affaire de relation extra-maritale.
Originaire de la province du Jilin, Liu Jianchao a suivi un parcours académique prestigieux : licence en anglais à l’Université des études étrangères de Pékin, puis études en relations internationales à Oxford, avant de débuter comme traducteur au ministère des Affaires étrangères (MAE). Membre du Parti depuis les années 1980, il gravit rapidement les échelons avec l’appui de l’ex-ministre Yang Jiechi, devenant porte-parole du ministère, rôle qu’il occupa lors des Jeux olympiques de Pékin en 2008. Sa maîtrise de l’anglais et son profil ouvert faisaient de lui le candidat idéal pour représenter la Chine auprès de l’Occident et des forums internationaux. Repéré par Wang Qishan, alors à la tête de l’anti-corruption, Liu a également été le fer de lance de l’« Opération Fox Hunt », chargée de rapatrier les fugitifs accusés de corruption réfugiés à l’étranger.
Depuis la chute de Qin Gang, protégé de Xi Jinping, la voie semblait donc toute tracée pour Liu. Durant ses tournées diplomatiques, notamment aux États-Unis, où le diplomate prônait une diplomatie plus ouverte et orientée vers le dialogue, il se présentait déjà comme le prochain ministre.
Se serait-il montré trop cavalier quant à son futur poste ? La ligne diplomatique qu’il prônait n’était peut-être pas au goût de tous ? Aurait-il fuité des informations compromettantes à une puissance étrangère, comme le veut la rumeur ? Ou serait-il simplement impliqué dans une autre affaire sensible qui ne le concerne pas directement ? Nul ne peut le dire à ce stade…
Cette situation appelle néanmoins deux commentaires. Le premier est que depuis la chute de Qin Gang, le MAE chinois ressemble plus que jamais à un panier de crabes, où tous les coups sont permis pour remporter la mise (le poste de ministre) et placer son poulain. Le second est que compte tenu du tumulte actuel au sein du ministère des affaires étrangères, il semble de plus en plus probable que Wang Yi, 71 ans, conserve au moins son poste jusqu’au XXIème Congrès du Parti de 2027, malgré son âge.