LE VENT DE LA CHINE

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Xi Jinping en perte de vitesse ?

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Cela fait déjà plusieurs mois – depuis le 3ème Plénum du XXème Congrès en juillet 2024 exactement – que la rumeur enfle, reprise en boucle dans les cercles d’observateurs de la politique chinoise à l’étranger : Xi Jinping, l’homme fort de Pékin, maître du Parti et de l’armée, aurait perdu de son pouvoir ou serait sur le point d’être écarté pour raisons de santé.

Plusieurs éléments alimentent ces théories : il y a d’abord plusieurs absences de la vie publique du Secrétaire général du Parti, notamment du 20 mai au 3 juin dernier, où il n’a pas été vu pendant 14 jours – suffisamment pour raviver des rumeurs d’AVC ou d’infarctus. Pour ne rien arranger, Pékin n’a pas communiqué sur la tenue de la réunion mensuelle du Politburo qui devait avoir lieu fin mai, poussant certains à se demander si le meeting a réellement eu lieu ou alors s’il n’a tout simplement pas été rendu public, pour cause de discussions confidentielles autour de la succession de Xi. De même, la probable non-participation de Xi au sommet des BRICS à Rio de Janeiro (Brésil) les 6 et 7 juillet fait jaser.

L’autre élément avancé par certains analystes pour justifier d’une perte de vitesse de Xi Jinping est la baisse du nombre de citations de son nom, sa doctrine (« la pensée de Xi Jinping ») et ses slogans dans la presse officielle. Dernière illustration en date : à l’issue des négociations avec l’administration Trump à Genève les 11 et 12 mai, puis à Londres les 10 et 11 juin, le nom de Xi et la « pensée de Xi Jinping » n’apparaissaient dans aucune des déclarations du ministère des Affaires étrangères, du ministère du Commerce, ou du vice-Premier ministre He Lifeng (pourtant un proche allié de Xi et principal négociateur avec les Américains).

Dans la même veine, un appel à un retour au « leadership collectif » dans une tribune publiée le 9 décembre 2024 en page 8 du quotidien de l’armée (PLA Daily) a fait couler beaucoup d’encre. Certains commentateurs y ont vu une contestation ouverte de la concentration des pouvoirs autour de Xi, en particulier dans un contexte de purge du haut commandement de l’APL (proches de Xi, y compris).

Alors, faut-il donner du crédit à ces interprétations ? Les absences de Xi Jinping sont-elles véritablement des anomalies ?

Avant tout, il faut souligner que ce n’est pas la première fois que Xi « disparaît » ainsi de la vie publique. Pas plus tard qu’en août 2024, le leader ne s’était pas montré pendant 18 jours. Néanmoins, de telles absences au mois d’août, période durant laquelle les dirigeants du Parti se retrouvent de manière informelle dans la station balnéaire de Beidaihe, ne sont pas exactement surprenantes, diront certains observateurs.

A y regarder de plus près, l’emploi du temps de Xi durant sa supposée « disparition » du mois de mai n’a rien de véritablement anormal. Il se serait entretenu au téléphone avec plusieurs chefs d’Etat (Emmanuel Macron le 21 mai, Friedrich Merz le 23 mai), avant d’accueillir le président biélorusse à Pékin le 4 juin, puis de s’envoler pour le Kazakhstan le 16 juin (à éviter pour quelqu’un qui vient de faire un AVC). Une autre explication possible serait qu’au plus fort des tensions avec les États-Unis, comme cela a été le cas récemment, Xi ait pu ressentir le besoin de prendre un peu de recul afin de préparer le 2nd round de négociations avec Washington ou encore le 15ème plan quinquennal qui devrait être avalisé au 4ème Plenum à l’automne.

Quant à la baisse supposée des références à Xi Jinping dans les discours officiels, certains analystes expliquent qu’elle pourrait tout simplement être liée à un ajustement rhétorique de la propagande du Parti depuis le XXème Congrès. Dans un contexte économique morose, cette inflexion peut répondre à une volonté de montrer au public un leader davantage préoccupé par le besoin d’apporter des solutions concrètes aux problèmes actuels, plutôt que de continuer à entretenir un culte de la personnalité répétitif et lassant de son chef suprême.

Sous cette perspective, l’étrange tribune du PLA Daily du mois de décembre 2024, n’aurait rien d’une fronde, mais entrerait plutôt dans le cadre d’une campagne interne visant à renforcer la discipline dans les rangs de l’armée, secouée depuis 12 ans par des scandales de « corruption ».

Alors, pourquoi ces rumeurs persistantes sur un affaiblissement de Xi ?

D’une part, l’impopularité de Xi Jinping parmi les communautés chinoises à l’étranger rend ce type de spéculations particulièrement attrayantes. Au fil du temps, ce récit s’autoalimente, même s’il repose sur des fausses informations ou des idées mal comprises sur les luttes de pouvoir au sein du Parti.

D’autre part, des forces hostiles à Xià l’intérieur comme à l’extérieur de la Chine — joueraient un rôle actif dans le maintien de cette narration, particulièrement à l’approche du XXIème Congrès de 2027 pour lequel le Parti n’a désigné aucun successeur à Xi.

En conséquence, il serait imprudent de tirer des conclusions hâtives de cette succession d’événements « inhabituels », d’autant qu’il est bien connu que Xi a une propension à faire fi des conventions établies (maintien de certains cadres au-delà de l’âge de la retraite, report de Plénum, etc…).

En croyant Xi en perte de vitesse et qu’un changement de leadership est imminent, certains investisseurs, entreprises ou gouvernements étrangers, pourraient prendre des décisions diplomatiques ou économiques mal calibrées vis-à-vis de Pékin et du marché chinois, en s’attendant à davantage d’ouverture.

En outre, une perception d’affaiblissement de Xi pourrait amener la communauté internationale à sous-estimer le risque d’un conflit avec Taïwan. Or, la ligne du Parti reste claire à ce sujet : depuis la création de la République Populaire de Chine, Pékin n’a jamais renoncé à l’usage de la force pour « réunifier » Taïwan. Et cette position a toutes les chances de perdurer, avec ou sans Xi Jinping.

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