LE VENT DE LA CHINE

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L’essor du marché de la seconde main

zhuanzhuan

Trente ans après sa fermeture, le Magasin de l’Amitié à Pékin connaît une nouvelle vie avec l’essor des produits de seconde main. Fréquenté dans les années 80 exclusivement par les expatriés à la recherche de produits importés munis de leurs billets en FEC (monnaie qui leur était réservée), ce batîment chargé d’histoire attire à nouveau les foules depuis l’ouverture début mai du premier magasin Super Zhuan Zhuan (超级转转).

Initialement une plateforme d’achat et de vente en ligne de produits d’occasion entre particuliers comparable à Vinted, Zhuan Zhuan s’intéresse désormais au marché des produits de luxe de seconde main pour se positionner comme le Vestiaire Collective chinois. Zhuan Zhuan n’est pas le seul sur ce créneau : son principal rival, ZZER (只二), est déjà bien implanté à Shanghai, Chengdu et Shenzhen.

A Pékin, Zhuan Zhuan propose une expérience innovante à ses clients, bien loin de l’ambiance surannée de certaines friperies et marchés aux puces. Après avoir enfilé une paire de gants blancs et laissé leurs affaires dans des casiers à l’entrée, ils sont ensuite autorisés à déambuler dans cet entrepôt de 3 000m2 à la décoration minimaliste où sont soigneusement entreposés plus de 30 000 produits de luxe. Les sacs Louis Vuitton, Chanel, Gucci, Hermès et d’autres marques de luxe représentent l’essentiel de l’inventaire, mais on trouve aussi des montres Longines, des bijoux Bvlgari, des appareils photo Canon, des consoles Nintendo Switch ou encore des sèche-cheveux Dyson…

Sur l’étiquette, pas de prix mais un code QR à scanner qui contient les caractéristiques du produit, les éventuels défauts relevés par l’expert chargé d’attester de son authenticité et bien sûr le prix demandé par le vendeur. S’il faudra tout de même débourser entre 87 428 yuans (10 662 euros) et 354 428 yuans (43 223 euros) pour des pièces iconiques comme les sacs Kelly de Hermès (cf photo), il est tout à fait possible de devenir l’heureux propriétaire d’une petite pochette Coach neuve à 90% pour la modique somme de 257 yuans (soit 10% du prix original). Une fois son dévolu jeté sur un produit, pas besoin de passer en caisse : la transaction se fait directement dans l’application et le client récupère son achat à la sortie…

Alors que les ventes des produits de luxe ont enregistré un recul de 20 % sur le marché chinois en 2024, entraînant la fermeture de nombreuses boutiques, le marché du luxe de seconde main est en plein boom : de 58 milliards de yuans en 2020, il devrait désormais représenter 217 milliards de yuans en 2025.

Cette évolution est principalement imputable au changement des habitudes de consommation des Chinois de la génération Z et des milléniaux (moins de 40 ans) qui représentent ensemble plus de 80 % du nombre total de consommateurs de ce type de produits.

Confrontés à la baisse de leur pouvoir d’achat, à un marché de l’emploi incertain et à la fonte de leur patrimoine immobilier, les consommateurs chinois sont devenus plus rationnels que jamais : ils sont à l’affut des meilleures offres et n’hésitent pas à faire des comparatifs très poussés avant d’ouvrir leur porte-monnaie.

« Qui verra au bureau que votre sac de luxe quasi neuf a en fait été acheté en seconde main deux fois moins cher ? », lance une influenceuse dans une session de vente live-streaming sur Douyin. Ce genre de discours vise à rassurer une partie du public qui craint encore que le fait d’acheter des produits de luxe d’occasion leur fasse perdre la « face » en société.

Les trois ans de restrictions liées au Covid-19 ont également bousculé les priorités de ces jeunes consommateurs : ils sont désormais plus enclins à dépenser pour un beau voyage à l’étranger que pour un sac de luxe.

Le luxe n’est pas le seul secteur concerné par ce phénomène. Des vêtements aux produits électroniques, en passant par les voitures, le marché de la seconde main (旧货市场), en particulier sur Internet, s’est progressivement fait une place dans le quotidien des Chinois.

Sur ce créneau, le roi est sans doute Xianyu (闲鱼, « Idle Fish » en anglais), application de vente et d’achats de produits d’occasion entre particuliers opérée par Alibaba. Lancée en 2014, elle a connu récemment un regain de popularité, notamment auprès des moins de 30 ans. Cette tranche d’âge représente ainsi presque la moitié des 178 millions d’utilisateurs actifs de la plateforme chaque mois. Ils étaient seulement 80 millions en 2019.

L’essor du marché de la seconde main était pourtant loin d’être évident dans un pays longtemps gangrené par la contrefaçon et où les questions d’hygiène ont longtemps été un frein – elles le sont d’ailleurs toujours, pour les vêtements notamment et les générations plus âgées.

Néanmoins, les mentalités évoluent et acheter des articles d’occasion n’est plus une honte aujourd’hui. Au contraire, faire fonctionner l’économie circulaire devient même source de fierté dans certains cercles.

Il n’en est pas moins que les prix attractifs restent la principale motivation des acheteurs : il s’agit avant tout d’économiser de l’argent en faisant de bonnes affaires ou/et d’arrondir les fins de mois en vendant des objets devenus inutiles. Avec un ralentissement de la croissance chinoise appelé à durer, autant dire que le marché de la seconde main a de beaux jours devant lui.

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