Les tensions territoriales entre l’Inde et le Pakistan dans la région du Kashmir sont peut-être les plus vivaces et les plus complexes de l’ère contemporaine. Et il serait faux de croire que ces tensions ne seraient dues qu’à la partition en deux pays de cette région anciennement administrée par l’Empire britannique.
L’Inde se trouve confrontée à une double menace sécuritaire, provenant du Pakistan et de la Chine, exigeant une vigilance constante.
D’un côté, elle doit faire face aux ambitions du Pakistan manifestées par des incursions régulières et par le soutien à un terrorisme transfrontalier qui, sur le front diplomatique, tente d’internationaliser la question du Cachemire.
De l’autre, elle doit faire face aux politiques expansionnistes de la Chine marquées par sa présence croissante au Gilgit-Baltista et le développement d’infrastructures militaires dans l’Aksai Chin. Ces deux fronts sont d’autant plus menaçants pour l’Inde qu’ils se renforcent mutuellement : la dépendance du Pakistan à la Chine pour les technologies militaires et nucléaires n’a cessé de croître et l’initiative chinoise des « nouvelles routes de la soie » (BRI) intègre stratégiquement le Pakistan à son corridor économique. On estime à 85% la part de matériel d’armement chinois fournissant l’arsenal pakistanais ; celui de l’Inde est, en gros, couvert d’un tiers de matériel russe, d’un tiers de matériel américain et d’un tiers de matériel européen, le reste étant produit de manière endogène.
C’est pourquoi si le conflit récent entre le Pakistan et l’Inde semble une affaire purement interne, il a eu un retentissement mondial, suscitant une réaction nationaliste d’envergure en Chine tout en faisant pour victime collatérale, grâce à une propagande numérique conjointe du Pakistan et de la Chine, l’expertise militaire et technologique de la France.
Tout commence le 22 avril, quand 26 civils indiens, pour la plupart des touristes hindous, sont assassinés à Pahalgam, au Jammu-et-Cachemire par le Front de résistance (TRF), une branche du Lashkar-e-Taiba (LeT), basé au Pakistan, qui a revendiqué l’attentat et passe pour être soutenu par les services de renseignement pakistanais (ISI).
En représailles, le 7 mai, l’Inde a lancé l’opération Sindoor : l’armée de l’air indienne a frappé neuf cibles d’infrastructures terroristes au Pakistan, dont les quartiers généraux et les centres opérationnels de Jaish-e-Mohammed et de Lashkar-e-Taiba. Le lendemain, le Pakistan riposte en déployant un essaim massif de drones dans les États occidentaux de l’Inde dont le réseau de défense aérienne multicouche neutralise la quasi-totalité. Le 9 mai, l’Inde intensifie ses frappes en attaquant six bases aériennes militaires pakistanaises et des centres de coordination de drones. Le 10 mai, un arrêt temporaire des tirs est obtenu – trêve dont le président américain Donald Trump s’attribue maladroitement la paternité.
Au plan stratégique, il s’agit pour l’Inde d’un succès en ce que New Delhi a pu affirmer sa nouvelle doctrine sans souffrir de pertes majeures : désormais les attaques terroristes lancées depuis le sol pakistanais seront traitées comme des actes de guerre. En parallèle, l’Inde neutralise la dissuasion nucléaire du Pakistan et rend le pays responsable des actes terroristes issus de son sol (commandités ou non). Au plan médiatique, c’est le Pakistan et la Chine qui semblent sortir vainqueurs de ce nouvel exemple des luttes du « Sud Global » contre « l’Occident ».
Malgré l’affront à sa souveraineté, le Pakistan a très vite salué l’utilisation de ses J-10C chinois pour abattre cinq chasseurs indiens, dont des avions Rafale de fabrication française. Selon la Chine, les chasseurs J-10C pakistanais, soutenus par des AWACS chinois, ont abattu six avions indiens sans perdre un seul appareil. À la suite de ces informations, pas toujours corroborées, le cours en bourse de Dassault Aviation perdait presque 10 % tandis que celui du chinois CAC, qui fabrique le J-10, ainsi que le J-20 et le supposé J-36, progressait de presque 60%.
L’appareil de propagande chinois avait bien pris en main le formatage médiatique de cet épisode. Sur les plateformes chinoises, plus personne ne s’encombre du mythe de l’émergence pacifique de la Chine : des avions de combat J-10CE et JF-17 Thunder à l’avion d’alerte avancée ZDK-03 en passant par le système de défense aérienne Hongqi, la technologie chinoise est présentée comme victorieuse du conflit qui l’oppose à l’Inde via le Pakistan.
Un commentateur sur Weibo mondialise le conflit : « Le Pakistan, avec son ancien matériel chinois, a vaincu la flotte indienne avancée soutenue par l’Occident. Le problème ne concerne pas seulement le Pakistan, mais aussi la montée en puissance de la Chine, du J-20 aux chasseurs de nouvelle génération. » Un autre résume bien la perspective : « Le conflit indo-pakistanais était un duel entre les armes chinoises et occidentales. Le J-10 a stupéfié le monde. » Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du tabloïd nationaliste chinois Global Times, a averti sur les réseaux sociaux que si les frappes réussies du Pakistan étaient avérées, Taïwan devrait se sentir « encore plus effrayé ».
Pourtant, l’Inde a une tout autre lecture du conflit ; selon le ministère indien de l’Information : « L’Indian Air Force a contourné et brouillé les systèmes antiaériens fournis par la Chine au Pakistan, accomplissant la mission en seulement 23 minutes et démontrant l’avance technologique de l’Inde. Toutes les frappes ont été menées sans perte de ressources indiennes, ce qui témoigne de l’efficacité de nos systèmes de surveillance, de planification et de mise en œuvre. L’utilisation de technologies locales modernes, des drones longue portée aux munitions guidées, a rendu ces frappes hautement efficaces et politiquement bien calibrées. »
Alors que le haut commandement de l’armée chinoise (APL) est embourbée dans des purges à répétition, le « succès » des chasseurs et missiles chinois vient à point nommé. Quant au Pakistan, une telle victoire médiatique lui permet de donner le change à sa population et lui évite d’avoir à répondre militairement à l’Inde. Quant à la perte probable d’un Rafale, cela démontre juste qu’aucun avion, même le plus efficace, n’est à l’abri d’un barrage de tirs bien préparés et que, au cas où l’on en douterait, une guerre entraîne toujours des pertes militaires…