LE VENT DE LA CHINE

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« Elle a fait un bébé toute seule » : (toujours) pas en Chine

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C’est un fait divers qui a relancé le débat en Chine autour de l’accès des femmes célibataires à la parentalité. Début mai, un hôpital privé de Nankin (Jiangsu) a été fermé et placé sous enquête pour avoir offert illégalement des services de fertilisation in vitro (FIV). Dans l’une de ses publicités, l’établissement se targuait de pouvoir aider les femmes non-mariées à concevoir un enfant pour la « modique » somme de 100 000 yuans. Les clientes intéressées pouvaient alors choisir leur donneur de sperme sur base de plusieurs critères, dont l’apparence physique, la nationalité, le niveau d’étude ainsi que l’université fréquentée. Elles pouvaient aussi rencontrer le donneur et choisir le sexe de l’enfant à naître (options payantes). Chaque mois, l’hôpital recevait 30 à 40 clientes, avec une enveloppe moyenne de 300 000 yuans chacune.

Cette affaire a relancé le débat sur les réseaux sociaux sur l’interdiction faite aux femmes célibataires uniquement d’avoir recours aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA) – les hommes, eux, ont le droit, sous certaines conditions, de congeler leur sperme.

« Il est préférable d’être une mère célibataire qui peut choisir son donneur de sperme que d’épouser un homme irresponsable et élever un enfant dans un environnement sans amour », plaide l’une d’entre elles dans un commentaire.

Confrontées à ces restrictions, de plus en plus de Chinoises aisées, choisissent d’avoir recours à des banques de sperme, des services de PMA voire de GPA (gestation pour autrui) à l’étranger (aux Etats-Unis ou en Asie du Sud-Est).

D’autres réactions reflètent au contraire les craintes des autorités : « au nom de leur ‘prétendue’ indépendance, certaines femmes réclament davantage de droits, mais en fait, elles imposent à leurs enfants de subir la discrimination sociale et les difficultés économiques liées aux familles monoparentales (…) Si le gouvernement laisse faire, cela ne fera qu’inciter davantage de femmes à ne pas se marier », met en garde un utilisateur de Weibo.

C’est plus ou moins que ce que pense l’Etat central. En 2020, la Commission Nationale de Santé affirmait qu’autoriser les femmes célibataires à geler leurs ovocytes pourraient leur donner « de faux espoirs » et les encourager à retarder davantage leur projet de maternité, ce qui est bien sûr la dernière chose souhaitée par les autorités, confrontées à une crise de la natalité depuis plusieurs années.

Les autorités locales ont toutefois consenti à quelques assouplissements, comme la possibilité pour les femmes célibataires d’obtenir dans certaines provinces et municipalités (Shanghai, Guangdong, Sichuan…) un permis de résidence (« hukou ») pour leur enfant, sésame indispensable pour intégrer le système éducatif et accéder aux services sociaux, voire de bénéficier d’un congé maternité et d’allocations au même titre que les femmes mariées.

Cependant, à l’échelle nationale, la loi n’a pas bougé. Pékin n’est pas prêt à accepter les diverses formes de parentalité en dehors du schéma traditionnel de la conception de l’enfant dans le cadre d’un mariage hétérosexuel. La perspective d’un éventuel assouplissement est d’autant plus déstabilisante pour le Parti, que pour la première fois dans l’histoire de la Chine, la femme en tant qu’individu peut prendre l’initiative d’un projet de procréation sans être subordonnée au sexe masculin, ni à l’institution matrimoniale hétérosexuelle.

Comme souvent, l’opinion publique évolue plus vite que les politiques sur ces questions : d’après un sondage datant de 2023, plus de 86% des répondants se déclaraient en faveur des droits à la procréation des femmes célibataires. Il est donc probable que dans un avenir plus ou moins proche, Pékin consente à améliorer l’accès des femmes non mariées aux services de fertilité. Mais, quelle que soit l’échéance, cette réforme ne réglera pas à elle seule le problème démographique auquel la Chine fait face.

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